L'histoire d'Hachikō, le chien le plus célèbre du Japon
Un célèbre chien japonais de race Akita Inu
Si on vous parle d'Hachikō, peut-être que ce nom ne vous dit rien.
Mais au Japon, il est un symbole connu à travers tout le pays, et même bien au-delà.
Pourtant, on ne parle pas ici d'un homme ou d'une femme qui a marqué sa nation et le monde... mais d'un chien.
C'est un mâle de la race canine dite "Akita Inu".
Les Akita Inu sont des chiens provenant à l'origine de la préfecture géographique d'Akita, dont ils ont repris le nom, et sont d'une race datant d'au moins 300 ans.
Ils étaient connus à l'époque comme des chasseurs d'ours, de sanglier ou encore de cerf élaphe (une des races les plus répandues de cervidés), notamment grâce à leur surprenante intelligence.
Ils sont plus connus aujourd'hui comme des chiens de compagnie, de garde, voire des chiens policiers (malgré qu'ils soient peu aboyeurs).
Les Akitas sont également réputés pour être des animaux plutôt calmes, affectueux et surtout fidèles.
Vous allez comprendre à quel point !
Retraçons donc l'histoire d'une des petites bêtes poilues les plus connues de l'Histoire, à la vie tragique et émouvante, des origines à la triste célébrité.
Naissance et adoption d'Hachikō
Notre petit toutou débute sa vie le 10 novembre 1923, dans une ferme à Ōdate, située dans la préfecture territoriale d'Akita, au nord du Japon.
Il est le huitième chiot de sa portée.
Quelques mois après, en 1924, il est adopté par Hidesaburō Ueno ( 上野 英三郎 ), professeur à l'Université de Tokyo au département d'agriculture, qui décide de le nommer Hachikō.
Son nom signifie "Huitième Prince", se composant de :
- "hachi" ( 八 ) pour "8" en japonais (étant donc le huitième de sa portée),
-et de "kō" ( 公 ) pour faire référence à un suffixe autrefois attribué aux anciens nobles et seigneurs chinois, qui sert également de terme à connotation affective, pouvant aussi se traduire comme "Monsieur Huit".
Durant les mois qui suivent, les deux se prennent d'une forte affection réciproque.
Hachikō ne manque pas une seule fois d'accompagner son maître à la gare de Shibuya, dans un des quartiers les plus connus de Tokyo, où le professeur prend chaque matin la ligne Yamanote, afin de se rendre à son travail dans la capitale.
Après que son maître a pris son train, Hachikō rentre à la maison, avant de revenir attendre le retour de son maître le soir, pour refaire le chemin avec lui.
Cette belle routine s'ancre pendant environ un an, mais malheureusement pour Hachikō, le 21 mai 1925, Hidesaburō Ueno ne retrouvera pas le fidèle Hachikō à la fin de la journée, alors que son chien adoré l'attend pourtant comme chaque jour.
Hachikō perd son maître et continue à l'attendre
Ce 21 mai 1925 donc, alors que Ueno donne une conférence à l'université de Tokyo, il est victime d'un AVC (plus précisément d'une hémorragie intracérébrale).
Le professeur s'éteint ainsi à l'âge de 53 ans.
Hachikō vient de perdre son maître ce jour-là.
Par la suite, la famille de Ueno tente de trouver une nouvelle famille pour Hachikō, qui continue sans cesse de s'enfuir pour perpétuer sa routine, attendant chaque soir à la gare de Shibuya, espérant voir son maître sortir d'un des trains pour le rejoindre.
Cette routine, il ne la maintient pas pendant quelques semaines ou quelques mois, mais pendant des années !
Au total, Hachikō a passé neuf ans, neuf mois et quinze jours à attendre le retour de son professeur bien-aimé.
Un des anciens étudiants du maître d'Hachikō fait connaître son histoire
À force, il commence à être connu des passants et du personnel de la
gare, et un jour, c'est un des anciens étudiants de Ueno, soit Hirokichi Saito, qui s'intéresse à lui.
Saito décide un soir de suivre Hachikō, depuis la gare de Shibuya où il attendait son maître comme à son habitude.
Surprise, le chien repart vers la maison de l'ancien jardinier d'Ueno, Kozaburo Kobayashi, qui entretemps avait adopté l'animal.
Kobayashi raconte l'histoire d'Hachikō à Saito et peu de temps après cette rencontre, l'ancien étudiant publie un document recensant les Akitas au Japon.
Il n'avait trouvé que 30 Akitas de race pure, incluant Hachikō.
Au fil du temps, Saito rend souvent visite à Kobayashi et Hachikō.
Il publie de nombreux articles pour louer la fidélité de l'Akita, jusqu'à ce qu'en 1932, l'un des articles soit publié dans le Asahi Shimbun, un des plus grands quotidiens du Japon, avec pour titre "L'histoire émouvante d'un vieux chien : sept ans qu'il attend son maître décédé".
Fin de vie du chien fidèle Hachikō, icône au Japon
À partir de là, Hachikō commence à devenir une icône dans tout le pays, jusqu'à devenir un symbole national, représentant à lui seul la valeur de la loyauté, recevant le surnom de "Chūken", signifiant "chien fidèle".
Il est aussi souvent présenté comme l'exemple à suivre pour les enfants envers leurs parents et leurs enseignants, ou encore des Japonais envers l'Empereur.
De nombreuses personnes, dont pas mal d'habitués, rendaient visite à Hachikō quand il se trouvait à la gare de Shibuya, où on lui donnait souvent à manger et à boire.
Son histoire avait tellement touché la nation, qu'en avril 1934, une statue fut érigée en son honneur à l'endroit exact où Hachikō attendait chaque jour.
L'Akita fut également présent à son inauguration.
Finalement, la vie d'Hachikō s'achève à ses 11 ans, le 8 mars 1935 sur le quai de la gare de Shibuya, dans l'attente du retour de son maître jusqu'à son dernier souffle.
À l'époque, on mit en avant en avant son âge pour expliquer sa mort, mais en mars 2011, des scientifiques élucidèrent la cause de sa mort : l'Akita était atteint d'un cancer en phase terminale, ainsi que d'une dirofilariose, aussi appelée "maladie du ver du cœur".
Hachikō aura donc été loyal envers son maître jusqu'au bout, l'attendant jusqu'à la fin de ses jours à la gare de Shibuya, soit pendant presque une décennie.
Hommages et statues en l'honneur de la loyauté d'Hachikō
L'héritage d'Hachikō, symbole de loyauté, est innombrable.
Une partie du corps d'Hachikō (principalement sa peau) fut empaillée, afin d'être conservée au Musée National de la Nature et des Sciences de Tokyo, tandis que le reste de sa dépouille fut incinérée, afin que ses cendres soient enterrées à côté de la tombe de son maître, dans le cimetière d'Aoyama, situé dans le quartier de Minato-ku à Tokyo.
Pour ce qui est de sa statue à la gare de Shibuya, malheureusement, celle-ci étant en bronze, elle fut fondue comme de nombreuses autres statues lors de la seconde guerre mondiale, servant à l'effort de guerre afin de fabriquer des armes.
Heureusement, elle fut reconstruite après la guerre, en août 1948, par le fils du premier sculpteur de la statue, étant positionnée par la même occasion devant une des sorties de la gare de Shibuya, Hachikō-guchi ( ハチ公口 ), qui est connue aujourd'hui comme la "sortie Hachikō".
Par ailleurs, elle fut tout de même déplacée en mai 1989, lors des travaux d'agrandissements et de rénovations de la gare, étant dorénavant positionnée en direction de l'est, pour pointer la sortie de la gare.
Elle est aussi connue comme un parfait point de rencontre.
Chaque année le 8 avril, une cérémonie en hommage à Hachikō se déroule au lieu de la statue, où des centaines de personnes se réunissent pour rendre hommage à la mémoire de l'Akita.
Mais ce n'est pas la seule qui fut construite !
On peut retrouver une autre statue d'Hachikō à la gare d'Ōdate dans la préfecture d'Akita, qui fut érigée en 2004.
C'est aussi près de cette gare que l'on peut retrouver le "Sanctuaire Hachikō de la Japan Railways", Ōdate étant aussi une ville japonaise réputée pour son engagement à préserver la race des Akita Inu.
Mais aussi, en 2015, à l'occasion du 90ème anniversaire du décès de Hidesaburō Ueno et du 80ème de celui d'Hachikō, une nouvelle statue en bronze fut inaugurée à l'Université de Tokyo, plus précisément au fameux département d'agriculture où Ueno travaillait, représentant le maître et Hachikō, de nouveau réunis ensemble.
Nombreuses références culturelles autour d'Hachikō
Cependant, l'hommage envers Hachikō ne s'arrête pas là !
Depuis 2003, la quartier de Shibuya a mis en place un mini-bus communautaire, où contre une centaine de yens (environ 80 centimes d'euros), il est possible de monter dans ce transport à l'effigie d'Hachikō, qui vous permet de visiter tranquillement l'ouest de Tokyo, le tout accompagné de la chanson d'Hachikō.
Mais quelle est cette chanson dont nous parlons ?
En 1994, la radio Nippon Cultural Broadcasting a pu retrouver un enregistrement d'Hachikō, sur un support brisé en plusieurs morceaux qui fut reconstitué, afin que le 28 mai 1994, les Japonais puissent écouter les aboiements d'Hachikō à la radio.
L'Akita a également inspiré des livres retraçant son histoire, comme :
- "Hachikō, chien de Tokyo" de Claude Helft en 2003,
- ou "Hachikō au pays de la nuit" de Linné Lharsson en 2017.
Pour les enfants, il existe un livre sympathique sur la vie d'Hachikō, "L'incroyable histoire d'un chien fidèle", de l'auteur Pamela S. Turner, qui a notamment vécu au Japon.
Et même des films, comme :
- "Hachikō monogatari" de Seijirō Kōyama en 1987,
- ou "Hatchi : A dog's Tale" de Lasse Hallström (avec Richard Gere en rôle principal) en 2009, étant un remake du premier film.
On peut aussi le retrouver en référence dans de nombreuses œuvres de la culture populaire, comme :
- One Piece
- Spirou
- Futurama
- Scooby-Doo
- WALL-E, Toradora !
- Great Teacher Onizuka
- Nana
- Darwin's Game
- The
World Ends with You
- Persona 5
etc.
Que sont devenus les proches du maître d'Hachikō ?
En parallèle, il faut savoir que Hidesaburō Ueno avait une partenaire non-mariée, du nom de Yaeko Sakano, avec laquelle Ueno est restée 10 ans jusqu'à sa mort.
Jusqu'à ce qu'Hachikō s'éteigne en 1935, elle lui rendait parfois visite et l'Akita montrait beaucoup d'affection envers elle.
Elle est décédée le 30 avril 1961 à l'âge de 76 ans, sauf qu'elle n'a pas été enterrée avec son défunt partenaire comme à sa demande, mais dans un temple à Taitō, à Tokyo.
Mais c'est en 2013 que Sho Shiozawa, professeur à l'Université de
Tokyo, retombe sur un dossier formulant cette demande.
Par chance, il se
trouve que Shiozawa est également le président de la société de gestion
rurale qui est en charge du cimetière d'Aoyama, où se trouve donc la tombe
d'Ueno, le maître du chien.
De ce fait, Shiozawa et Keita Matsui, conservateur d'un musée de
Shibuya, ont voulu que Sakano soit enterrée avec Ueno, comme elle
l'avait souhaitée à l'époque.
Après avoir obtenu le consentement des
familles, et au bout de longues négociations, c'est environ trois
ans plus tard, soit le 19 mai 2016, que ce souhait est exaucé.
Les familles Ueno et Sakano se sont donc réunies, afin d'enfouir certaines des cendres de Yaeko Sakano, dans la tombe de Hidesaburō Ueno et Hachikō, dans cet événement nommé aujourd'hui "la réunion de la famille de Hachikō".
Shiozawa aurait enfin déclaré : "En mettant les noms des deux sur leur tombe, nous pouvons montrer aux générations futures le fait que Hachikō avait deux gardiens", avant que Matsui rajoute : "Pour Hachikō, le professeur était son père, et Yaeko était sa mère".
En résumé, Hachikō était une petite bête touffue qui par son simple acte de loyauté, a marqué le Japon ainsi que le reste du monde jusqu'à nos jours, montrant une nouvelle fois que le chien est bel et bien le meilleur ami de l'Homme.